
De la cause palestinienne à la démocratie universitaire
Israël/Palestine est devenu le drame moral central pour une grande partie des universitaires et des étudiants, unis par la même indignation devant le désastre de Gaza. La guerre de positions et l’indignation ont lieu dans le milieu académique, avec au premier plan, les occupations étudiantes qui cherchent à performer l’espace public ou sensibiliser l’opinion publique à la guerre inacceptable menée à Gaza. Les universités parisiennes ont leurs « encampements » : de l’ENS à Sciences-Po, de Paris 1 à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (Ehess). Les étudiants s’y politisent par imprégnation de la cause palestinienne. Ils exigent en premier lieu que leurs universités, par le biais de leurs instances, condamnent les massacres à Gaza et quittent leur neutralité habituelle. Comme pour se comparer avec les campus américains, les occupations ont un style et leurs objets fétiches : port du keffieh, drapeaux palestiniens, affiches, tags et graffitis, pastèques palestiniennes customisées en badges, chants, forums de débat. Elles ont également leurs formules (« From the river to the sea ») et leurs porte-parole fétiches.
Ce n’est pas le processus de politisation qui est ici à interroger, mais les attentes qui en résultent. Si d’un côté, les campements « Palestine » régénèrent les formes de la critique, de l’autre, ils montrent leurs limites internes. Comment intégrer par exemple la coexistence de deux sociétés juives et palestiniennes, alors que la reconnaissance d’un État de Palestine redevient un horizon possible ? Comment lier apprentissage des savoirs et apprentissage de la politisation et de la démocratie, au sein d’une parole qui ne soit pas hégémonique ? Comment enfin rendre compte des voix de ceux et celles qui sont sur place ?
De Multitudes 96. Automne 2024: A chaud 96.